Composition du Conseil fédéral, vers un gouvernement à 5 partis ? Une courte mise à jour.

En novembre 2018, je montrais dans un court texte que la composition du gouvernement serait d’avantage représentative de la force des partis au parlement si les Verts occupaient un siège du PLR au gouvernement. Je concluais cet article en argumentant que, si les Verts augmentaient leur représentation au parlement, ils pourraient sans doute revendiquer un mandat au Conseil fédéral. 
Au lendemain des élections fédérales qui ont provoqué une percée des écologistes sans précédent, la question de la présence des Verts au gouvernement est sur toutes les lèvres. Je propose dans cet article de visualiser en terme arithmétique les conséquences de l’élection du 20 octobre sur la disproportion dans la représentation des forces partisanes entre le Conseil national et le Conseil fédéral. 

La tempête politique du 20 octobre.

Les élections fédérales du 20 octobre 2019 ont provoqué un véritable changement dans la distribution du pouvoir au sein du parlement fédéral. D’un côté, les Verts réalisent une percée jamais observée avec un gain de 17 sièges. De l’autre côté, l’UDC semble être le grand perdant de l’élection avec une perte de 12 sièges. Cependant, les véritables perdants de cette élection pourraient bien être le PLR, car sa perte relative de siège (-4) combiné à l’incroyable percée verte ne lui permet plus de justifier que ses mandats au Conseil fédéral sont représentatifs de la volonté populaire. 

Le graphique présenté ci-dessus montre le score de représentation des partis au gouvernement[1] entre la composition actuelle du gouvernement et une composition contre-factuelle ou les Verts détiendraient un des mandats du PLR. Bien que le PLR était déjà surreprésenté en 2015, la nouvelle composition du Conseil national suggère que ce parti est deux fois plus représenté au gouvernement qu’au parlement (graphique de gauche). À l’opposé, alors que la présence des Verts au gouvernement en 2015 aurait amené une forte surreprésentation de ce parti au gouvernement, avec la nouvelle composition, céder un mandat du gouvernement aux Verts rétablirait l’équilibre des forces partisanes entre le Conseil fédérale et le Conseil national (graphique de gauche). 
Une autre manière de considérer la représentation des partis au Conseil fédéral est de mesurer la représentation générale de la force des partis au gouvernement. Le graphique suivant présente l’indice Gallagher sur la disproportionnalité[2] entre la présence des partis au Conseil fédéral et leur présence au Conseil avec la composition actuelle (2 PS, 1 PDC, 2 PLR et 2 UDC) et la composition contre-factuelle (1 Vert, 2 PS, 1 PDC, 2 PLR et 2 UDC). 

Le graphique montre que, déjà en 2015, le gouvernement aurait été plus représentatif de la force de partis si les Verts occupaient un siège du PLR au gouvernement. Cependant, avec la nouvelle distribution des forces politiques, cet écart s’élargit et devient critique pour cultiver les consensus chers à la politique suisse. 
En terme arithmétique, la question ne se pose donc plus : les Verts méritent un siège au gouvernement. La question qui reste en suspens est de savoir comment le nouveau parlement gérera cette question. Alors que la droite (PLR et UDC) sera probablement opposée à la présence des Verts au gouvernement, la gauche (PS et Verts) devrait en toute logique soutenir cette recomposition. Cependant, aucun des deux groupes n’est suffisamment puissant pour créer une majorité. Dès lors, le rôle du PDC dans cette décision sera déterminant pour l’avenir politique de la Suisse. À cela s’ajoute le fait que les deux mandats du PLR sont occupés par la Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter et le Conseiller fédérale Ignazio Cassis, tous deux fraîchement arrivés. Une démission de l’une ou l’autre de ces figures politique semble donc peu probable. Dès lors, la seule possibilité du parlement serait d’évincer l’un ou l’autre afin de laisser la place aux Verts. Pour ces raisons, la tempête électorale du 20 octobre n’a pas fini de faire parler d’elle et les prochains mois seront parmi les plus incertains de l’histoire politique de la Suisse. 

[1]Voir Ruedin (2013). Le R-score est calculé par la formule \frac{s_i}{v_i} ou sreprésente la part de siège du parti au Conseil fédéral et vreprésente la part de siège du parti à l’Assemblée fédérale. Le R-score varie entre 0 et ∞. 0 signifie aucune représentation, 1 signifie une représentation parfaite et un R-score supérieur à 1 signifie une surreprésentation.

[2]Voir Gallagher (1991). L’indice Gallagher (Ig) est calculé sur la base de la I_{g}=\sqrt{\frac{1}{2}\sum(v_i-s_i)^2} , ou vi représente la part des sièges détenus par le parti i dans la chambre fédérale concernée et si représente la part des sièges du parti i au Conseil fédéral. Cet indice varie entre 0 et 100. 0 signifie une représentation parfaite et 100 signifie aucune représentation. Borschler & Sciarini (2006) ont proposé une mesure plus fine qui tient compte du nombre de siège au gouvernement. Lijparth (2012) propose une amélioration de l’indice Gallagher qui exclut les petits partis. Pour une application au Conseil fédéral, voir Stojanović (2016).

Références :

Données :

Retrouvé depuis: https://www.rts.ch/info/dossiers/2019/elections-federales-2019/resultats/, consulté le 21 octobre à 11h49.

Littérature

Bochsler, Daniel and Pascal Sciarini (2006). “Neue Indikatoren zur Bestimmung der arithmetischen Konkordanz.” Swiss Political Science Review 12(1): 105–22.

Gallagher, Michael (1991). “Proportionality, disproportionality and electoral systems.” Electoral Studies 10(1): 33–51.

Lijparth, Arend (2012). Patterns of Democracy: Government Forms and Performance in  Thirty-Six Countries, 2nd edn. New Haven: Yale University Press.

Ruedin, Didier (2013). Why Aren’t They There? The Political Representation of Women,  Ethnic Groups and Issue Positions in Legislatures.Colchester: ECPR Press.

Stojanović, Nenad (2016). “Party, regional and linguistic proportionality under majoritarian rules: Swiss Federal Council elections.” Swiss Political Science Review22(1), 41-58.